On trouvera ci-dessous une revue de presse sur la situation des femmes, aujourd’hui en Afghanistan. D’abord, un article, du jour, dans le New York Times (en anglais), qui rapporte dans le détail un fait divers quasiment banal : deux sœurs qui se suicident. On comprend que c’est moins banal qu’il n’y parait quand on sait que ce drame de la vie familiale s’est produit à Mazar-i-Sharif, une ville plutôt « libérale » dans le sombre paysage afghan. Et le détail est d’autant plus signifiant que l’hôpital de la ville déclare enregistrer trois ou quatre cas de suicide par jour, alors qu’il n’en comptait qu’un ou deux par mois il y a dix ans…

Ces dernières années, on avait enregistré une précédente vague de suicides féminins, par auto-immolation, qui avait pris la forme d’une véritable épidémie, surtout dans la région d’Hérat, où la férule d’Ismaïl Khan faisait subir aux femmes un exact équivalent de l’ordre Taliban. Qu’un phénomène comparable se produise aujourd’hui au contraire dans la partie la plus « éclairée » du pays, semble un indicateur d’un niveau de désespoir aigu.

Mais la situation nouvelle est en même temps contrastée, puisqu’on peut célébrer cette semaine un festival du film féminin, à Hérat justement, et en réaction à l’état calamiteux des droits des femmes dans cette région. De même, le mois dernier, pouvait se tenir un défilé de mode à Kaboul.

Chacun de ces actes sont de véritables actes de résistance, et pour se faire une assez bonne idée de l’état d’esprit qui peut régner chez les femmes afghanes en lutte aujourd’hui, on trouvera pour conclure un long et excellent article tiré de The Nation, simple récit de voyage d’une féministe américaine rendant compte en détail des réflexions en cours chez ses camarades afghanes.

En tout état de cause, apparait une première critique, manifeste, de l’intervention internationale, ce que les afghans appellent « the great mistake » – la grande erreur, qu’auront commise les américains en installant au pouvoir dès le départ un régime dont les bases politiques et philosophiques sont très semblables à celles des Taliban.

Les militantes féministes afghanes reprochent aussi aux occidentaux de n’avoir rien fait pour installer des institutions dans divers domaines comme la santé, l’éducation ou la justice, qui auraient assuré de plus sensibles évolutions de la réalité concrète des droits des femmes.

Au bout de plus de dix ans d’intervention fort coûteuse, on peut dire en effet que le gâchis est total. Il faudrait d’urgence installer dans ce pays en ruines une industrie pharmaceutique produisant de la morphine pour les hôpitaux qui en manquent cruellement sur les trois-quarts de la planète, ainsi que l’ICOS le suggère depuis des années. Une telle industrie écoulerait l’abondant pavot que produisent les paysans afghans, les libérant de la tutelle des trafiquants.

Cette solution ferait certainement de la peine aux amis des services pakistanais et à leurs correspondants des services occidentaux – surtout français et américains –, bien sûr… Mais elle aurait l’avantage d’assainir ces États aussi. En Afghanistan, les retombées seraient incalculables. D’abord, en dotant le pays d’une industrie légale avec des débouchés assurés. Ensuite en mettant un terme à la gangstérisation du pays et à la corruption intégrale de son État. Enfin et surtout, en coupant le nerf de la guerre des Taliban.

Au passage, l’assèchement du marché noir afghan provoquerait certainement une baisse du marché mondial de l’héroïne. Et voilà qui ne serait pas non plus un mince avantage à l’heure où la surproduction organisée par les Taliban a suscité une baisse spectaculaire des prix de cette substance qui, du coup, frappe la jeunesse d’une nouvelle épidémie d’héroïnomanie, dans bon nombre de régions du globe.

Au lieu de faire cette chose relativement simple et vertueuse en tous points, les occidentaux se félicitent de partir en laissant formellement au pouvoir les Taliban qu’ils ont tant prétendu combattre. La diplomatie française est particulièrement fière d’avoir réussi cet été cette réintégration de ceux qui prônent non seulement l’application la plus monstrueuse de la Sharia – en vertu d’interprétations particulièrement fantaisistes qui proposent pire qu’une caricature de la loi islamique –, mais un véritable sexocide, tel qu’il avait lieu en Afghanistan avant leur renversement par les troupes massoudistes en 2001.

Dans ce sinistre paysage, on perçoit néanmoins comment de Tunisie en Iran, et d’Egypte en Afghanistan, l’islamisme est déjà sur la pente descendante de sa courbe, destiné à finir, comme d’autres ismes qui l’ont précédé, dans les poubelles de l’histoire.

C’est pour conclure sur cette note optimiste que nous avons ajouté en fin de cette revue de presse, une photo des troupes turques qui sont intervenues avec l’Otan au « royaume de l’insolence » – or, ces soldats turcs sont des femmes, qu’on voit assister à une conférence sur la question des femmes en Afghanistan… Comme quoi tout peut arriver – et une aura ainsi même vu des militaires acceptables. D’Istanbul à Kaboul, pourra-t-on dire que la boucle est bouclée, et qu’il ne reste plus qu’à tourner la page de ce tiers de siècle que nous aurons traversé hantés par la tentation obscurantiste ?